My dear colleague [Feat Jessica]

Aujourd'hui, Adrian aurait pu dire qu'il avait un rendez-vous galant. Mais ce n'était pas le cas. Pas sur que Jessica apprécie se faire passer pour la petite amie du moment du second tant apprécié de la résistance n'est ce pas ? Quoi qu'il en soit, le brun était en direction de la taverne, là où il était censé rejoindre la demoiselle. Passant toutes ses journées au quartier général, il avait eu la soudaine envie de voir d'autres horizons. Le bureau, les papiers, la sale gueule de ses subordonnés incapables, un rien commençait à l'agacer en ce moment. Même un de ses hobbies favoris qu'était la cuisine n'arrivait plus à le faire s'arrêter de soupirer ces derniers temps.
C'est d'ailleurs en soupirant qu'Adrian poussa la si familière porte de la taverne pour venir s'assoir au comptoir, ne se gênant pas pour venir s'assoir aux côtés d'un type qui tentait de séduire une jeune femme, les faisant s'éloigner à une table vide un peu plus loin. On est pas mieux avec le comptoir pour soi-même ? Karl, un des deux gérants du lieu vint à la rencontre du brun lui demandant ce qu'il désirait après avoir essuyé un verre qui traînait là.

- Un vin rouge, du grand cru, le meilleur que tu aies à me proposer. Je m'en fous de l'énergie que j'ai à dépenser pour ça.

Fervent client du bar et amateur de bons alcools, Adrian savait qu'ici il ne serait pas déçu par la qualité de la boisson.
Il lâcha un second soupir tandis qu'on lui mettait son vin rouge sous le nez. Il en avait tellement marre du bureau qu'il était arrivé quelques minutes en avances. S'en suivit un troisième long soupir alors qu'il sortit quelques gâteaux au café et au chocolat qu'il avait cuisiné la veille. Ces derniers convenaient parfaitement avec le vin qu'il avait commandé d'ailleurs. Le contraste d'un goût à la fois puissant et fruité ajouté à la douceur et la gourmandise du sucre, c'était juste parfait.
Enfin presque.
Après tout, le brun était venu ici pour le travail, pas pour venir chercher une personne pour venir chauffer son lit se soir tout en sirotant un bon vin. Un énième soupir s’échappa de sa bouche tandis qu'il portait la coupe à ses lèvres. Vivement que l'autre débarque qu'il puisse en finir rapidement avec cette journée.

Au moins l'humeur de Jessica était-elle assortie à celle de celui qu'elle était venu rejoindre. Elle se trouvait dans les rues de la zone 2, traînant un peu le pas pour se rendre à son rendez-vous afin de faire le point sur les jeunes recrues qu'elle avait prit sous son aile au cours du mois passé. A l'origine c'était Ludwig qui devait se charger de cette tâche mais allez savoir, ce dernier semblait avoir bien mieux à faire que de recevoir ses subordonnés ces temps-ci et c'était son horrible second qui se tapait tout le boulot.

Hormis le caractère exécrable de celui qu'elle n'avait au final que peu rencontré, la brune déplorait de ne pas avoir de si bonnes nouvelles que ça à annoncer. Alors qu'elle était parvenu à convaincre Ludwig d'accepter la présence de Zephiriel, puis de Nathaniel au sein de la Résistance, les choses ne se passaient pas si bien que ça. La démone ne s'était finalement pas montrée aussi utile que ce que Jessica avait d'abord pensé en lui proposant de l'accompagner. Elle avait même été jusqu'à se faire blesser par le chef de l'Ombre lui même, ne déclenchant par chance aucune hostilité entre leurs deux groupes. Ce n'était pas à présent que celle-ci était blessée qu'elle allait faire quelque chose d'utile toutefois. Concernant Nathaniel... Eh bien dès le début la brune avait su que le môme ne lui serait d'aucune utilité, sauf qu'elle était bien loin de la vérité, à dire vrai elle passait plus de temps à s'occuper de lui qu'à bosser pour la Résistance. Au moins pouvait-elle se consoler en se disant qu'ils vivaient des temps plutôt calmes.

Elle était arrivée devant la taverne. Elle poussa la porte et n'eut aucun mal à repérer le second de la Résistance accoudé au comptoir, seul. Tant mieux, elle n'avait aucune envie de se retrouver au milieu d'une foule qui ne manquerait pas de tendre l'oreille pour écouter ses récits catastrophiques. Elle prit place sur le tabouret aux côtés du second en le saluant d'une voix qu'elle rendit la plus neutre possible :

-Adrian...

Elle prit le temps de commander un verre de sa boisson favorite, en porta une gorgée à ses lèvres... Ouais ça l'aiderait à faire passer l'amertume de son récit. Très bon choix.

Enfin la demoiselle pointait le bout de son nez, saluant Adrian pour que celui-ci se rende compte de sa présence. Il ne répondit rien, laissant juste la jeune femme s'installer à ses côtés et commander ce qu'elle désirait. De son côté, le brun se contenta de prendre une gorgée de son verre de vin, la savourant jusqu'au bout, avant de venir le reposer et de croquer dans un petit gâteau au café. Il prit bien le temps de le finir avant de se décider à finalement parler.

- J'vais être clair, j'ai pas envie de bosser.

Certes, il était partit pour, mais en fin de compte, non, pas envie, la flemme. Prendre un peu de repos ne pourrait pas lui faire de mal pour une fois. Et puis, Ludwig pouvait bien gérer la Résistance tout seul pendant deux trois jours après tout, il n'était pas le chef de ce groupe pour rien. Ca laisserait le temps à son subordonné pour améliorer ses recettes de cuisines et batifoler à droite à gauche tiens. Ça faisait combien de temps qu'Adrian n'avait pas passé quelques jours à prendre du bon temps ? Bien trop longtemps à son goût.

Il lâcha un énième soupir avant de venir poser sa tête au creux de la paume de sa main, fixant d'un air las le résultat de sa cuisine. Pendant que la jeune femme brune était là, autant en profiter pour avoir un avis concret de sa création. Il poussa son assiette de biscuits vers la jeune femme, l'invitant à se servir.

- Tiens, donne moi ton avis, j'ai modifié ma recette.

Jessica n'avait pas goûté à l'ancienne version de ses gâteaux, mais Adrian en avait strictement rien à cirer. Tant qu'elle lui disait ce qu'elle en pensait, ça lui convenait parfaitement.

La jeune femme reposa son verre sur le comptoir et prit une grande respiration, prête à commencer son résumé catastrophique. Autant se débarrasser de cette corvée le plus rapidement possible pour retourner à sa non moins catastrophique petite vie. C'est Adrian qui prit cependant les devants en annonçant cash son envie de ne pas travailler. C'était tout sauf professionnel de la part d'un haut membre de la hiérarchie de la résistance mais bordel, qu'est-ce qu'elle s'en moquait. Elle soupira et passa une main dans ses cheveux.

-C'est la chose la plus intelligente que j'ai entendue aujourd'hui.

Elle porta à nouveau son verre à ses lèvres tandis que l'autre poussait une assiette de biscuits vers elle. La brune le regarda assez intriguée. Elle avait déjà entendu parler de ses talents culinaires mais à dire vrai elle n'avait jamais vraiment donné de crédit à cette rumeur. Pour elle le second de la Résistance était plutôt du genre à composer des plats empoissonnés qu'à mijoter des petites douceurs mais après il ne fallait pas juger du caractère exécrable d'une personne pour définir chacun des aspects de sa vie.

La jeune femme prit l'un des gâteaux qu'elle porta à sa bouche. A dire vrai elle avait songé abandonner l'autre ici et retourner vaquer à ses occupations mais la politesse l'obligeait au moins à accepter.

-Très bon, ça change radicalement des boites de conserves qu'ils nous font bouffer au réfectoire...

- Pourquoi manger au réfectoire aussi ?

Adrian leva ses yeux au ciel en soupirant. En plus d'y avoir de la nourriture dégueulasse, ce lieu pestiférait d'incapables et de minables en tout genre. Et puis, il avait tout sauf envie de croiser des imbéciles qui faisaient des batailles de boulettes de pain. La cuisine est un art, et en ces temps dur, il est tout sauf recommandé de gaspiller la moindre miette. Et puis, il avait eu le malheur de venir manger un midi au self. Jour d'épinards. Il avait regretté quand un malheureux avait envoyé un missile tout droit sur la veste d'un blanc laiteux repassée à la perfection du second tant redouté. Enfin, c'est le malheureux qui avait regretté. Adrian l'avait poussé à bout jusqu'à ce qu'il finisse par fuir la résistance.
Amusant.

Adrian reprit un gâteau, celui au chocolat cette fois. Il le mangea à moitié avant de se venir se délecter d'une gorgée de vin rouge. Puis il remangea avant de finir en douceur son verre. L'assiette qu'il avait poussé vers Jessica restait vers elle. Elle n'avait qu'à se servir si elle voulait manger. Le second n'allait pas tout s'enfiler à lui tout seul. Puis question régime, il faisait aussi attention à ce qu'il avalait. Et ces gâteaux devaient être mangés sur l'instant, il allaient ramollir sinon et devenir moins bon, et ça, c'est sa réputation de talentueux cuisinier qui allait en prendre un coup si cela venait à s'apprendre.

Un homme blond, la trentaine, s'approcha de Jessica tandis que le brun soupira une nouvelle fois en jouant avec ses doigts sur le rebord du comptoir. Il empestait l'alcool, la vodka a vu de nez et s'accouda face à la demoiselle de la résistance en la fixant sans gêne, un sourire béat aux lèvres. Puis il commença à lui parler de truc sans aucun sens, comme quoi elle était "aussi belle qu'un couteau aiguisé" et qu'elle avait des yeux aussi brillants qu'un "verre de cognac remplit". Au moins, ces remarques firent sourire Adrian qui commençait à s'ennuyer de pied ferme. Il guetta les réaction de l’intéressée, curieux de voir comment elle allait réagir.

Bien évidemment.... Quelle suffisance. L'accès au réfectoire dans cette ville maudite était déjà un privilège en soi, mais il existait encore des personnes pour s'estimer bien trop classe pour ça. Comme Adrian, ce type était un connard, elle oubliait parfois. Jess n'était cependant pas de ceux à s'offusquer du manque de manière d'autrui ou à vouloir les changer, elle resterait le temps de finir son verre et se barrerait pour ne plus approcher ce type jusqu'à y être contrainte à nouveau.

Enfin dans les faits, ça aurait été vrai si un type malodorant ne l'avait abordé avec sa drague à deux balles et ses phrases qui à défaut d'être pertinentes changeaient un peu des traditionnelles phrases toutes faites qu'on pouvait les sortir. Au moins n'avait-il pas demandé si elle était au menu, c'était déjà ça. Elle le dévisagea se demandant s'il y avait une chance qu'il lui foute la paix de lui même. Peine perdu. Il avait l'air affamé le bougre et décidé de faire de la brune son quatre heures.

-Casse toi, je suis vraiment pas assez bourrée pour ce genre de conneries...

En espérant qu'il comprenne le message.